Partir d’Omelas avec des arguments anti-utilitaristes
#JusticeSociale, semaine 22. Souvenez-vous, la semaine passée nous vous présentions une nouvelle d’Ursula Le Guin : « Ceux qui partent d’Omelas ». Au travers de ce récit, l’autrice pose un #dilemme#moral : faut-il accepter le #bonheur du plus grand nombre, malgré la souffrance d’un seul ?
Cette manière de voir le monde, à laquelle s’oppose l’écrivaine, est celle des #utilitaristes. Selon cette école de pensée, une société juste est une société qui maximise le bonheur pour le plus grand nombre.Avec tout ce que cela contient de travers envers les minorités.
Face à cela, différentes objections existent !
Premièrement, dans un tel contexte calculateur, on en oublie souvent la #dignité humaine. On oublie les droits individuels pour favoriser le bonheur du plus grand nombre.
Pourtant, par le passé, Emmanuel #Kant nous invitait à toujours considérer l’homme comme un sujet et jamais comme un objet. Avec son impératif catégorique, énoncé en 1785 dans « Fondements de la métaphysique des mœurs », Kant renvoie à notre commune humanité et nous disait ceci : « Agis de façon telle que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen ». Tout être humain à droit à une égale dignité.
Plus tard, après la Seconde Guerre mondiale, les états européens ont signé la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales où l’article 3 mentionne ceci : « interdiction de la torture et des peines et des traitement inhumains ou dégradants ». Chaque #individu a des #droits essentiels qu’il faut absolument respecter, sinon la dignité humaine en est bafouée.
Deuxièmement, peut-on réellement ramener le bonheur de tous à une seule et même #valeur commune ?Est-il réaliste de réduire toutes nos joies et plaisirs, tous nos bonheurs et besoins en une seule et même valeur commune ? Cette vision très réductrice de l’homme efface complète la singularité de toute vie vécue.
Le bonheur est une notion éminemment personnelle. Certains estiment que certains plaisirs sont supérieurs à d’autres, apportant ici une notion de qualité qui s’oppose à celle de quantité. Non-mesurable, non-calculable, cette qualité varie fortement d’une personne à l’autre, d’autant plus si des notions de valeurs morales viennent se rajouter à cela. Valeurs également très personnelles.
De plus, dans une vision de justice distributive, le bonheur du plus grand nombre ne dit rien de sa #répartition dans une société, cette distribution pouvant être très inégale. On écarte alors la question de la répartition socialement juste du bonheur. Certains pouvant en avoir plus que d’autres, tant que la majorité en profite, tout le monde est heureux…
Malgré tout le côté invraisemblable de la nouvelle d’Ursula Le Guin, on ressort de la lecture avec un sentiment étrange, dérangeant. Et c’est là la force du récit de l’écrivaine car une fois de retour dans le réel, on ne peut s’empêcher de voir des similarités entre le bonheur d’#Omelas et le nôtre. Et donc de se questionner et de se positionner face à la pensée utilitariste. Que vaut le bonheur collectif si une partie de la population est niée ? Que vaut le bonheur de la majorité si l’existence singulière d’une minorité est passée sous silence ?
Au travers des semaines qui vont suivre, chaque mercredi, nous explorerons les reliefs variés et foisonnants de vie de la Justice Sociale. Une action commune menée par L’Autre "lieu" – RAPA, Centre Franco Basaglia, Revers Asbl et CEMÉA Belgique !
Pour en savoir plus sur les arguments contre l’#utilitarisme, nous vous renvoyant à l’analyse : « Les utilitaristes : une société juste est une société heureuse ».
Nous pouvons également vous renvoyer vers la série d’études sur les libertés du Centre Franco Basaglia.