Le principe de différence de John Rawls
#JusticeSociale, semaine 7!
Il y a deux semaines, nous avions déjà parlé de John Rawls et de son voile d’ignorance. Ce voile sur les yeux, nous nous retrouvions en situation initiale d’égalité (sans savoir quel sera notre place dans la société), et les principes auxquels nous consentirions alors seraient alors #justes.
Mais quels types de décisions prendrions-nous – par exemple pour réguler les inégalités économiques ? Tenterions-nous de privilégier une #répartition égale des #revenus et de la #richesse ?
Peut-être, mais selon Rawls, il existe une meilleure solution : le principe de différence. Ce principe autorise certaines #inégalités sociales et économiques si cela profite aux « moins bien lotis ».
Bien sûr, ce principe ne définit pas le caractère juste ou injuste des niveaux de revenus. Il se préoccupe de la structure de base de la #société et de la façon dont elle répartit droits et devoirs, revenus et richesse, pouvoir et opportunités.
Ce principe permet également de réguler le problème suivant : la répartition des revenus et des #opportunités dépend souvent de facteurs qui se révèlent arbitraires d’un point de vue #moral.
Pour comprendre comment Rawls est arrivé à ce principe, examinons différents types de sociétés…
LES SOCIETES FEODALES : Elles répartissent revenus, richesse, opportunités et pouvoir en fonction de la naissance – ce qui est arbitraire. Il est donc injuste d’en faire dépendre nos perspectives de vie.
LES SOCIETES DE MARCHE : Elles remédient à cet arbitraire en garantissant l’#égalité formelle face au droit et opportunités. Tous les citoyens ont les mêmes libertés de base… mais dans un contexte où le libre marché détermine la répartition des revenus ou des richesses (conception #libertarienne de la justice). Ainsi, d’un point de vue légal, chacun peut entrer dans la course. En pratique, toutefois, les opportunités ne sont pas réparties de manière égale : la ligne de départ n’est pas la même pour tout le monde, à nouveau en fonction de facteurs arbitraires (accès à l’éducation, famille aisée, etc.), et elle n’est donc pas juste.
UNE #MERITOCRATIE EQUITABLE : Ce type de société va essayer de corriger ces désavantages sociaux & économiques. Chacun a les mêmes chances éducatives et la répartition des revenus et richesse résultant du fonctionnement libre du marché est alors juste, car la ligne de départ est la même pour tous. Les gagnants ont alors vraiment mérité leur récompense.
Pour Rawls, si cette vision corrige certains avantages arbitraires, elle n’est pas suffisante. En effet, même placés sur la même ligne de départ, ce sont quand même les coureurs les plus rapides qui remporteront la course. Or, être un coureur rapide est aussi un avantage arbitraire.
La société #méritocratique élimine donc l’influence des conditions sociales (égalité équitable), mais continue de permettre que la répartition des richesses et des revenus soit déterminée par la répartition naturelle des capacités et des talents… et donc par des facteurs arbitraires.
Il faut donc une conception plus #égalitaire. Mais quoi ? Une #égalisation par le bas ? Devons-nous forcer les coureurs plus rapides à porter des semelles de plomb ? Les gens « beaux » ou « forts » à mettre des nez de clown et à porter de lourdes armures comme dans le roman #dystopique « Harrison Bergeron » de Kurt Vonnegut?
CONCEPTION EGALITARISTE : Rawls propose donc le « principe de différence », afin de corriger l’inégale répartition des talents sans handicaper activement les plus favorisés. On encourage les personnes ayant des talents à les développer, tout en s’assurant que le bénéfice que produisent ces talents appartiennent à la communauté. Le principe de différence n’exige donc pas une égale répartition des revenus et de la richesse, mais la répartition des talents naturels est considérée comme un bien commun dont il faut partager les bénéfices. Les bien lotis peuvent tirer avantage de leur chance si et seulement si cela améliore la situation des moins bien lotis…
Bien sûr, on peut opposer certaines objections à Rawls et à son principe de différence: que faire si des personnes « talentueuses » décident de ne pas développer leurs talents? Doit-on leur fournir des facteurs #incitatifs? Et qu’en est-il de l’#effort, du #travail fourni pour développer ces talents? Ces personnes ne méritent-elles pas de jouir du fruit de leur dur labeur?
Encore une fois, quand on commence à creuser, on se rend compte que la situation est fort complexe…
Au travers des semaines qui vont suivre, chaque mercredi, nous explorerons les reliefs variés et foisonnants de vie de la Justice Sociale. Une action commune menée par L’Autre "lieu" – RAPA, le Centre Franco Basaglia , Revers Asbl et CEMÉA Belgique !