Les capabilités, une pensée de la vie pleinement humaine et de la liberté
#JusticeSociale, semaine 16. Aujourd’hui, explorons une autre vision de la #liberté au travers des #capabilités.
Les #capabilités renvoient à ce que les personnes ont réellement les moyens de faire et d’être pour mener une vie digne de ce nom. Notamment : jouir d’un logement décent, avoir une alimentation convenable, être protégé contre les agressions, être éduqué, … La justice sociale progresse lorsque il est possible de faire le constat que chaque personne a effectivement la possibilité de bénéficier d’un ensemble de capabilités qui ouvrent la voie à une vie pleinement humaine, et quand elle a la liberté d’interroger, de choisir ce qui importe dans cet ensemble de capabilités.
Cette approche de la #justicesociale ne met pas à l’avant-plan le « bien-être », mais une pensée de la vie pleinement humaine et de la liberté.
1° Une vie pleinement humaine. Cette approche ne vise pas des institutions idéales, parfaitement justes et qui se limitent alors à n’offrir qu’une égalité des chances ; elle se concentre sur ce qui se réalise au niveau des vies humaines concrètes, elle regarde les #existences que les gens parviennent ou ne parviennent pas à mener. Ces vies sont appréciées en regard de capabilités dont la liste reste à discuter en considération de ce que nous considérons comme une vie pleinement humaine. Le bien-être est une dimension qui s’accomplit dans ces capabilités, mais elle n’est pas la seule. Par exemple, #MarthaNussbaum inclut « l’affiliation » dans la liste des capabilités ; elle renvoie aux moyens que nous avons d’être ouverts aux autres, de montrer de la #sollicitude à leur égard, d’être capable d’imaginer leur situation. L’importance de « l’affiliation » s’est construite à partir d’une réflexion #éthique sur la vie parmi les humains. Elle peut nous mener à découvrir la souffrance des autres, ce qui s’accorde mal à un plaisir immédiat, même si finalement cette sollicitude peut nous mener à plus de bien-être.
2° La liberté. La justice sociale s’apprécie sous deux angles : 1° les vies que les personnes parviennent à mener (les personnes ont-elles réellement la possibilité de vivre les différentes capabilités de l’existence ?) ; 2° la liberté de choisir entre différentes façons de vivre : chaque personne n’est pas obligée de s’accomplir selon un paquet de capabilités défini selon les valeurs dominantes de la société dans laquelle elle vit ; elle peut accorder des priorités différentes, mettre ses accents qui vont façonner sa manière de vivre sa vie. Le processus de choix par lequel cette liberté s’accomplit est essentiel dans cette approche : la #liberté, c’est avoir des #possibilités (dimension de possibilité), mais aussi des #moyens, les espaces pour faire son choix, être critique, discuter avec des interlocuteurs, etc. (dimension procédurale). Dans ce processus, le bonheur a une place critique mais pas nécessairement prépondérante, il peut être mis en tension avec d’autres raisons d’agir, par exemple la préservation des espèces animales ou le développement durable.
Voici, par exemple, comment #MarthaNussbaum raisonne sur la situation de Vasanti, une femme indienne avec laquelle elle a travaillé dans le cadre de son travail sur la justice sociale :
« La question centrale que pose l’approche des capabilités n’est pas : « À quel point Vasanti est-elle satisfaite ? » ni même de combien peut-elle disposer en matière de ressources ? ». Elle est plutôt : « Qu’est-ce que Vasanti a réellement les moyens de faire et d’être ? ». Prenant position sur une liste opérante de fonctions qui sembleraient être d’une importance capitale dans la vie de l’être humain, nous nous demandons : la personne est-elle capable de cela ou ne l’est-elle pas ? Nous nous interrogeons non seulement au sujet de la satisfaction qu’éprouve la personne dans ce qu’elle fait, mais au sujet de ce qu’elle fait et de ce qu’elle est en mesure de faire (quelles sont ses possibilités et libertés). Et nous ne nous interrogeons pas seulement au sujet des ressources qui sont disponibles, mais au sujet de la façon dont celles-ci vont ou ne vont pas se mettre à opérer, permettant à Vasanti d’avoir un fonctionnement pleinement humain. »
(in Nussbaum M., Femmes et développement humain, Paris, Des Femmes, 2008)
Au travers des semaines qui vont suivre, chaque mercredi, nous explorerons les reliefs variés et foisonnants de vie de la #JusticeSociale. Une action commune menée par L’Autre "lieu" – RAPA, Centre Franco Basaglia, Revers Asbl et CEMÉA Belgique.
Ce texte est extrait d’une analyse du Centre Franco Basaglia : « Justice sociale et bien-être« .